Je lisais ce livre il y a tout juste 1 an, sans savoir qu'alors un mini-coléoptère prenait racine en moi, et que 9 mois plus tard ma vie allait être chamboulée. Je prends enfin le temps de parler de ce livre pour le moins atypique, qui fut l'une des premières pistes qui allaient me mener à la remise en cause des idées préconçues que j'avais à propos de l'éducation et du maternage...
Petite présentation, d'abord, issue d'un N° de Grandir Autrement :
Jean Liedloff a vécu plus de deux ans aux côtés de tribus indiennes d'Amazonie. Frappée par leur grand pacifisme et par leur manière d'élever leurs enfants, Jean observe et écrit. De cette expérience extraordinaire, elle a tiré le concept du continuum, défini comme mémoire naturelle des expériences de toutes les générations nous ayant précédés. Nos sociétés ont laissé disparaître une grande part de notre instinct, notamment dans notre manière de soigner et d'élever nos enfants, tout en laissant croître la violence dans les rapports humains. Au contraire, les tribus indiennes dites « primitives » et pacifistes observées par Jean laissent la place libre à l'instinct. A mille lieues du petit occidental, l'enfant y est porté naturellement et accompagne les adultes dans leurs activités, sans être placé constamment au centre de l'attention ; sans chantage, punition ou récompense, mais dans le cadre rigoureux des décisions parentales, il apparaît épanoui, respectueux des autres et enclin à suivre ses parents, aux antipodes du mythique « enfant roi » de nos sociétés. Le Concept du continuum est à la source du maternage proximal. Il a été traduit en de nombreuses langues.
L'essentiel est dit.
La façon dont est écrit ce livre se rapproche plus d'un essai d'anthropologie ou de sociologie, que d'un livre sur l'éducation. Et pourtant, que ce soit dans la forme ou dans le fond, on y retrouve quasiment aucune méthodologie, ce qui rend sa lecture quelque peu difficile, et parfois franchement indigeste, car les idées ne s'enchaînent pas très bien je trouve.
L'auteure a donc passé quelques temps au sein d'une tribue d'Amazonie, et nous raconte ce qu'elle a pu y observer. Elle nous parle de la façon dont les enfants sont traités par les adultes, en relatant la plupart du temps des anecdotes, mais malheurement aucun élément n'apparait concernant le mode de vie traditionnel de la tribu de manière plus générale, quels peuvent être les rites de passage que traversent les jeunes, ou comment s'articule la vie du groupe au cours du temps. C'est dommage, et son discours perd de sa crédibilité à cause de ces manques.
Cependant, c'est vraiment un livre à lire, pour celui qui s'interroge sur les conséquences que pourrait avoir notre mode de vie actuel sur les générations futures. Souvent, quand on parle "éducation", on a tendance à reproduire ce qu'on a vécu enfant, en le justifiant par un "après tout, je n'en suis pas mort". Et pourtant... pouvons-nous affirmer que nous sommes des modèles d'épanouissement ? Peut-on vraiment dire que la voie éducative traditionnelle est la "bonne", alors qu'en parallèle nous ne cessons de nous offusquer de l'accroissement des déviances dans notre socitété, qu'elles soient petites ou grandes ? Cherchez l'erreur...
Ce que je retiens du mode devie Yékwana, qui correspond à un profond respect de notre continuum, c'est une extrême proximité entre la mère et son bébé pendant les premières années, mais sans pour autant faire du bébé un centre d'intérêt principal et constant. Non, le bébé est simplement en contact permanent avec sa mère, et sa mère vit sa vie, et ne s'occupe "activement" de son bébé que lorsque celui-ci en manifeste le besoin (change, alimentation). De quoi acquérir une profonde confiance en son parent, et en soi, sans toutefois se croire le centre du monde et être persuadé que tout "nous est dû".
Alors, bien entendu, nous ne sommes pas des indiens, nous ne vivons pas au milieu de la jungle, mais cela ne nous empêche pas de comprendre qu'en arrivant au monde, un bébé s'attend à vivre ce qu'ont vécu depuis des millénaires ses ancètres, comme quelque chose d'ancré en lui, ou plus simplement, à vivre une certaine continuité avec ce qu'il a connu in utéro. Et que de se retrouver seul, dans un lit sans mouvement ni chaleur, à devoir attendre "l'heure" pour satisfaire sa faim, ça ne correspond certainement pas à ce qu'il espère, et que le choc doit être bien traumatisant pour un petit être si fragile, qui dépend entièrement du bon vouloir des adultes qui l'entourent.
Voilà pourquoi je me suis engagée sur cette voie qu'est le "maternage proximal" (et pourquoi ce blog est un peu laissé à l'abandon, c'est que ça prend du temps !). Rendez-vous dans 15 ou 20 ans, pour en tirer des conclusions... ;-)